J’aurais souhaité en parler hier, jour de la fête de l’Europe. La réunification de Chypre n’est pas, contrairement à ce que l’on pourrait penser compte tenu de la taille de l’île, une question de moindre importance. Bien sûr, l’avenir de l’Europe est un autre sujet capital pour l’avenir du continent : est-il possible (et comment ?), d’organiser une politique commune de l’environnement, de l’industrie, des relations extra-européennes, de l’immigration ? Quelle identité pour l’Union Européenne ? Dans ce but, le traité européen de Lisbonne est très insuffisant, mais il permet au moins d’avancer.
J’ai expliqué dans une précédente note les raisons de la partition de l’île, en 1974. Le 24 avril 2004, les chypriotes grecs rejetaient à plus de 75% le Plan Annan qui proposait une première solution à la question chypriote. La principale explication expliquant ce rejet selon les politistes était le manque de clarté sur deux points particuliers auxquels les chypriotes grecs sont très attentifs : l’indemnisation des expropriés et le départ des soldats, voire des colons venus d’Anatolie.
Mais ce serait une grossière erreur de considérer que les chypriotes ne veulent pas la réunification de l’île, même si la question des rapports avec les turcs chypriotes reste indécise. Le 24 février 2008, le chef du parti néo-communiste AKEL, Demetris Christofias, était élu. Il promettait de s’atteler à la résolution de la question chypriote et entamait des discussions avec le chef des Chypriotes turcs, Mehmet Ali Talat. Après seulement quelques semaines de discussion, les deux hommes parvenaient à un point d’accord historique : l’ouverture d’un nouveau point de passage en plein cœur de la vieille ville de Nicosie, sur la rue Ledra, rue piétonne commerçante.
Depuis, les deux hommes se rencontrent régulièrement. Talat vient manger une glace rue Ledra côté grec, les deux hommes s’accordent sur le problème urgent de l’eau, leurs épouses boivent du thé (grec ? turc ?) et lisent dans le marc que l’avenir de Chypre sera positif. Les sondages montrent que le Président Christofias est soutenu par plus de 3/4 des Chypriotes, et jusqu’à 58% des partisans du parti conservateur DISY. Des chiffres qui feraient saliver bien des dirigeants européens.
Les pourparlers sont engagés, les journaux sont enthousiastes. Et pourtant, aux journalistes français, Demetris Christofias faisait part de son pessimisme. Les récents propos de Talat, appelant à une méthode de type « virgin birth » ont beaucoup refroidi la classe politique chypriote grec. C’était comme si le dirigeant turc chypriote tombait le masque : anesthésier la vigilance en jouant la carte du dialogue pour mieux obtenir des contreparties jugées inacceptables pour les chypriotes grecs, à savoir l’existence de deux Etats sur une même île.
La réunification de l’île n’est donc pas pour les prochains mois, mais les discussions avancent. Et cela a son importance, car la réunification de l’île est un préalable à l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne. Mais même si la Turquie quitte Chypre, sa place est-elle dans l’Union Européenne ?